Rechercher dans ce blog

jeudi 8 décembre 2011

Plaisirs d'automne


Semer à tous vents

Semer des iris est une chose facile en apparence. Mais faire des enfants, comme chacun sait, c’est prendre une responsabilité. Le plaisir de la conception est suivi de la nécessité de l’élevage et c’est là, le plus souvent, que les difficultés commencent !

Que semer ?

Spontanément, les iris ont tendance à produire des graines. C’est la loi du monde vivant : se reproduire est un des défis de l’espèce. Au service de cette nécessité la nature a mis en place un certain nombre de stratégies, voire de ruses.
Les iris se reproduisent par reproduction sexuée donc par transfert et mélange des caractères « males » vers des caractères (le récepteur) femelles. Si les espèces se reproduisent fidèlement par semis, il n'en va pas de même des hybrides qui sont le résultat de multiples croisements. 

Les semis « spontanés »

On appellera ainsi le résultat d’une fécondation « naturelle », c’est à dire sans intervention de l’homme. Elle peut être auto-fécondation si l’insecte pollinisateur a apporté sur le style le pollen de la même fleur. Elle peut être aussi une fécondation croisée, l’insecte réalisant en se déplaçant d’une fleur à l’autre, ce que l’hybrideur aurait pu faire, mais là, sans schéma pré-etabli.
On peut récolter ces graines et les semer, attendre le résultat. Le plus souvent la déception est grande : la fleur ne ressemble à aucun des iris que l’on a dans ses massifs, la tige manque de force ou d’élégance. Pourquoi ?
Les iris actuels, sont le résultats de nombreux croisements dirigés qui ont tendu à faire prévaloir une couleur  ou une forme, et d’une sélection impitoyable qui a éliminé tous les candidats présentant des défauts (manque de matière, fleur mal formée, insuffisance des boutons, mauvais placement de ceux-ci, etc.)

Or, dans le cas d’autofécondation, il arrive souvent que ces défauts réapparaissent, les caractères récessifs l’emportant sur les autres.
Cela veut-il dire que tout est à jeter ? L’amateur, qui n’a pas les impératifs économiques du professionnel, peut se permettre de prendre son temps. On voit apparaître en effet, parmi les caractères anciens qui réapparaissent, des choses qui ne sont pas sans intérêt : vigueur, résistance aux maladies, multiplication. Autant de qualités qui peuvent compenser des défauts (manque d’originalité du coloris, taille de la fleur) et dont on peut espérer conserver quelque chose à la génération suivante en le croisant avec un iris présentant les qualités défaillantes.
C’est ainsi que dans mon jardin est apparu un « intrus » qui présente la particularité de pousser comme du chiendent et de se multiplier comme un lapin (d’où son nom) dans des conditions difficiles au milieu des rosiers.

Comme un Lapin (semis spontané)

J’envisage de l’utiliser comme parent en le croisant avec des iris « modernes ». Toute la question est de savoir s’il est fertile. Faute d’avoir congelé le pollen de cet iris hâtif et d’avoir du pollen congelé d’autres iris, je n’ai pu le vérifier cette année. Je retenterai l’expérience au printemps.

L’hybridation contrôlée

C’est une expérience assez jouissive : car cela revient à créer un iris en fonction de critères que l’on a choisis. Ce n'est pas le lieu pour un discours sur la génétique des iris. Les iris actuels sont le produits de lignées complexes où les hybrideurs ont cherché à faire apparaître des caractères qui n'existaient pas dans les plantes indigènes (par exemple la couleur rose). Les Schreiner's aux Etats-Unis  ont développé des lignes d'hybridation extrêment complexes, dans le but de produire un iris rouge. Ils ont ce faisant crée des merveilles, mais n'ont toujours pas réussi à obtenir un vrai rouge !

La fécondation
La chose est assez simple mais demande un minimum de précautions. Il faut prélever le pollen de la fleur que l’on veut utiliser comme père. Opérer de préférence le matin, sur une fleur dont le pollen est mûr (il est pulvérulent). Le plus simple est de sectionner l’étamine avec une pince à brucelles ou à défaut une pince à épiler. Ensuite choisir la mère : une fleur récemment ouverte qui n’aura pas été visitée par les bourdons. Déposer à l’aide d’un pinceau le pollen sur le stigmate et répéter l’opération sur les trois stigmates.
Voir l’opération en photos très bien décrite et avec de nombreux conseils sur le site de la SFIB :


On conseille ensuite de casser les sépales de la plante mère (sépales qui constituent la « piste d’atterrissage » des bourdons) pour éviter une fécondation non souhaitée. Si on répugne à cette opération, on peut entourer la fleur d’un sachet en gaze.

Le semis

Lorsque la gousse est mure, en été, (on compte environ 3 mois après la fécondation) on récolte précautionneusement les graines et on les laisse sécher.
Puis on les sème…
Pour que le semis lève, la graine doit avoir subi une période de froid qui lève la « dormance ». Un hiver froid y contribue. Mais on peut reproduire artificiellement ces conditions en plaçant les graines dans un sachet au réfrigérateur pendant un à deux mois ou quelques heures au congélateur. On appelle cela la vernalisation. Cette opération permet de semer les graines beaucoup plus tôt et de gagner quelques mois sur la germination et donc la croissance.
Ensuite, on fait tremper quelques jours les graines dans de l’eau claire pour les réhydrater en changeant l’eau tous les jours. Puis on sème dans des pots contenant un mélange léger (1/3 sable, 1/3 terreau ou compost, 1/3 terre franche). On maintient humide.
Il ne reste plus qu’ à attendre que les pousses lèvent. Pour les semis effectués en août/septembre avec une levée précoce, on peut garder les pots en serre froide pour l’hiver où les enterrer dans le jardin en protégeant les plantules du froid par un voile d’hivernage ou un plastique bulle.

Bratislavan Prince x Fall Enterprise (photo prise ce jour)

On remarquera les granulés anti-limaces. Les petites plantules sont en effet la proie de ces charmantes bestioles. On peut ne rien faire, ce qui est une façon de sélectionner… mais c'est laisser beaucoup de place au hasard !

L’élevage

J’évoquais les difficultés. Passée la jouissance de la fécondation qui vous a fait vous prendre pour un dieu créateur et multiplier vos hybridations, il faut vous rendre à l’évidence : 50 graines par gousse en moyenne, un taux de germination de 1 pour deux, vous voilà à la tête d’une jolie petite pépinière. Avec une vingtaine de croisements réussis, vous aurez déjà 500 iris à replanter et pour lesquels il faudra trouver de la place !!!

Dès que les plants auront trois ou quatre feuilles, il faudra en effet les replanter en place, dans un premier temps avec un espacement de 10 cm, puis dès lors qu'ils auront atteint une taille suffisante à une distance de 30 cm.

Il est assez rare que des iris semés en Août fleurissent dès le printemps suivant, mais cela peut se produire. En règle générale, il faudra attendre un an de plus et c'est là que commence le dilemme : que garder que jeter. Si l'on veut être très "pro" et être fier de sa progéniture, il faut être sévère dans le rôle d'"éliminator". Ne garder que les meilleurs (rien en dessous de 5 boutons, veiller au placement de ceux ci sur la tige : bien espacés et détachés; qualité et forme de la fleur, originalité du coloris, vigueur de la plante). On peut déjà éliminer les 2/3 des plants. Un jugement définitif requiert deux ou trois ans d'observation, après quoi, on élimine encore. Comme dirait notre ami Loïc, au final, ça fait de la place (pour recommencer l'aventure !). Certains croisements peuevent donner beaucoup de bonnes chose, d'autres, rien du tout. C'est la magie le chose. En attendant il ne reste qu'à rêver !

Des iris à Noël

À Automne exceptionnel (les températures moyennes les plus élevées depuis 80 ans), végétation exceptionnelle ! Dans nos jardins, les remontants continuent de fleurit. Deux nouveaux pieds de Belvi Queen ont entamé leur floraison avec chacun 5 à boutons en attente. Si tout va bien, ils devraient encore être en fleur à Noël. Même chose pour Autumn Circus.
Je continnue de recueillir les données pour tenter d'établir une liste des remontants les plus solides et les plus constants. Elle sera publiée la semaine prochaine ou dans 15jours.

En voici deux qui ont fleuri en Sologne :

Photo J.F.


Photo J.F.


3 commentaires:

  1. Pour la préparation des semis, il vaut mieux (en fait il faut), commencer par faire tremper les graines puis ensuite seulement les passer au refrigeteur ou congelateur, afin d'éliminer certaines substances inhibitrices et que la graine entre en "végétation", sinon le traitement n'aura aucun effet sur la vernalisation. Une hypothèse : si on sélectionne pour des iris remontants, il faut éviter que les graines en germinations ne recoivent aucune température négative ou proche de 0 degrés, les semis ainsi obtenus seront des des plantes n'ayant pas de vernalisation... A tester !!! Jérôme B.

    RépondreSupprimer
  2. "Les semis ainsi obtenus seront des plantes n'ayant pas besoin de vernalisation".
    C'est mieux comme ça !!!
    Jérôme B.

    RépondreSupprimer
  3. Bon. J'ai mes 1ères graines à semer... alors je commence par quoi? le congélateur ou le bain? J'aimerais bien ne pas les louper....

    RépondreSupprimer