L’hybridation : un passe-temps passion
à la portée de tous !
En
parlant de passe-temps, je vais en faire bondir plus d’un !
Voyons,
c’est beaucoup plus sérieux que cela puisqu’on va jouer à la Création. Dommage
que Michel-Ange ne puisse rajouter un panneau au plafond de la
« Sixtine » !
Faire des bébés c’est relativement facile !
Il
faut d’abord choisir des parents. C’est
à la fois simple et compliqué. Nous reviendrons sur ce sujet plus loin,
supposons la question résolue. On a choisi une mère à la corolle accueillante,
il reste à choisir le père pourvu d’un pollen abondant et mûr.
On
conseillera d’opérer plutôt le matin sur une fleur (la mère) récemment ouverte,
dont on prendra soin de supprimer les étamines, pour éviter toute
autofécondation intempestive. On aura par ailleurs prélevé sur le père le
pollen (soit l’étamine entière, soit le pollen avec un pinceau) et on déposera
le pollen sur les trois stigmates, comme le montre ce pas à pas du site de la
SFIB :
Après
cela, on conseille de casser les sépales de la mère (les sépales sont les
pistes d’atterrissages des bourdons qui pourraient apporter du pollen étranger
non désiré. Les scientifiques objecteront que c’est inutile. Si la fécondation
manuelle a réussi, il n’y a palus de possibilité de nouvelle fécondation.
Objection reçue. Mais il est possible que le pollen du père choisi ne soit pas
fertile. Dans ce cas, un pollen apporté de l’extérieur pourrait féconder la
mère et laisser croire au final que les graines obtenues proviennent du
croisement désiré, alors qu’il n’en est rien. Comme dit la sagesse
populaire : « prudence est mère de sureté ». On peut aussi si
l’on ne veut pas casser les sépales entourer la fleur d’une gaze jusqu’à ce que
la réussite de la fécondation soit apparente (gonflement de l’ovaire).
Ensuite
attendre…
Plusieurs
semaines après cette opération (voire plusieurs mois, les
« capsules » commencent à jaunir et à s’entrouvrir. Il faut alors les
récolter : les ouvrir et recueillir les graines que l’on va tranquillement
laisser sécher quelques jours.
A
partir de là, deux techniques : une traditionnelle et une
« rapide » pour les impatients.
La méthode traditionnelle.
On laisse
sécher les graines puis on les sème en octobre dans des terrines (mélange trois
tiers : terre franche, sable, terreau) où l’on aura pris soin d’indiquer
le croisement par une étiquette indélébile. On arrose et l’on attend le printemps.
Les graines lèveront de façon plus ou moins capricieuse (certaines ne germeront
que la deuxième année). Quant les plantules auront atteint une quinzaine de cm
on pourra alors les repiquer dans des godets (sans oublier d’indiquer par une
étiquette le croisement effectué. (Oui, ça fait beaucoup d’étiquettes !
Aussi peut on, si on a la possibilité de ranger correctement les pots,
d’indiquer le croisement au début de la rangée).
Puis,
lorsque les racines se seront bien développées et que le plant aura forci, on
les installera en pleine terre. Il faudra encore attendre un an ou deux pour
avoir les premières fleurs.
La méthode « rapide » pour les
impatients !
Elle
permet de gagner pratiquement un an, en pratiquant le semis peu de temps après
la récolte des graines et en « forçant » celles-ci.
Explication :
-pour germer, les graines ont besoin
d’une part de subir «un « coup de froid » qui lève la dormance et
d’autre part d’être réhydratées. Deux opérations qu’il est possible de
reproduire artificiellement (on parlera de « vernalisation »).
-on met les graines dans un sachet,
placé au congélateur pendant deux à trois heures (voire un peu plus). Puis, on
trempe les graines dans de l’eau pendant plusieurs jours, en changeant cette
eau régulièrement.
Enfin
on procède comme précédemment : on sème les graines dans une terrine et on
arrose de manière à ne pas laisser le pot se dessécher. La levée s’opère en un
ou deux mois environ. [si l’on souhaite des explications plus détaillées sur le
processus de dormance en général et sa levée, on peut consulter ce lien : http://www.greffer.net/?p=194]
-il conviendra ensuite de protéger
les jeunes semis. Ils se croient au printemps, alors qu’ils vont entrer
dans l’hiver ! Il faudra pour cela les abriter du froid qui leur serait
fatal (serre froide, véranda non chauffée ou serre-tunnel). Dans les régions de
climat doux, on peut se contenter d’un endroit abrité et d’un voile
d’hivernage.
Ensuite,
au début du printemps, on procèdera comme
avec la méthode traditionnelle (repiquage).
J'installe les pots à mi-ombre jusqu'à la reprise, pour éviter les brulures du soleil et le déssèchement
Les soucis commencent alors !
Une
capsule peut contenir quelques graines
(4 par exemple sur un croisement) ou beaucoup plus (60 voire plus…) . Vous avez
fait une dizaine de croisements sur plusieurs fleurs, vos graines ont
remarquablement levé et vous vous trouves à la tête de plusieurs centaines de
plants qu’il va falloir mettre en godets, puis en petits pots. Premierr souci :
trouver des pots (mangez des yaourts !). Puis il faudra ensuite trouver de
l’espace pour replanter en pleine terre vos enfants. Sauf à élever vos rejetons
en pot, ce qui peut se concevoir, le temps d’éliminer les créations indignes.
Vient
en effet le moment le plus difficile : choisir et éliminer.
Choisir
ceux que l’on garde, car ils présentent toutes les caractéristiques d’un bon
iris, éliminer les autres.
Eliminer :
c’est un crève cœur, parce qu’on a attendu deux ans, voire trois. Pourtant
certains iris sont mal formés, malingres ou tout simplement inintéressants.
Direction : le tas de compost ! Mais direz vous, cet iris qui a peu
de boutons ne peut-il pas être conservé, car le coloris est original. Peut-être
pourrait-il transmettre ses qualités et pas ses défauts dans un croisement
ultérieur. Gardons le donc en attente au bénéfice du doute. Néanmoins sur la
soixantaine ou centaine d’iris nés du même croisement, beaucoup vont se
ressembler. La sagesse commande de ne garder que les plus résistants, les plus
vigoureux, les plus florifères.
Choisir
alors ceux que l’on conserve sans réserve, pour l’originalité ou la pureté du
coloris, la vigueur, la tenue, le nombre de boutons, la qualité du branchement.
La messe est-elle dite ? Non. Car il faudra les regarder grandir dans le
temps. On ne pourra juger définitivement que sur une période de trois ans (voire plus), le
temps que l’iris s’installe et révèle (ou infirme) ses qualités.
Que veut-on obtenir ?
Ou
bien on veut « s’amuser », on n’a aucune intention de rivaliser avec
les hybrideurs professionnels et l’on se contentera d’un résultat honnête s’il
est agréable à l’œil. Ou bien (et l’on se prend vite au jeu) on souhaite
vraiment créer quelque chose de nouveau par la couleur, la forme, le nombre et la taille des fleurs, et là, on ne peut pas laisser grand
chose au hasard. Il faut s’intéresser un peu à la génétique et établir un
programme d’hybridation. Et on rentre dans des choses un peu plus compliquées,
sur lesquelles il n’existe pas grand chose en français.
Quelques éléments de génétique de l’iris
Comment savoir en effet ce qu'on va obtenir quand on choisit des parents, ou à l'inverse comment choisir les parents pour obtenir ce que l'on recherche (démarche la plus fréquente pour les obtenteurs professionnels)
On peut déjà observer ce qui a été obtenu par d'autres et tenter de comprendre ce qui se passe.
Le cas de Brown Lasso, un iris de bordure vainqueur de la Dikes Medal en 1981 a été bien étudié par Sylvain Ruaud dans son blog du 19 janvier 2002 ( http://irisenligne.blogspot.fr/2002/01/brown-lasso-le-petit-iris-brown-lasso.html)
Brown Lasso (photo Twiki) |
Il est issu d'une mère (Punchline) qui apporte la bordure des sépales (le "lasso") :
Punchline (photo Twiki) |
Milestone (photo Twiki |
et de Wild Mustang, un "blend"aux pétales rose bengale et aux sépales violet orchidée dont on peut penser qu'il aura servi à renforcer la couleur des sépales.
On a donc ici un iris qui aura conjugué des carctéristiques appartenant aux deux parents et de façon heureuse, le résultat étant supérieur aux géniteurs (merci papa, merci maman).
Parfois le croisement donne des résultats très voisins des parents ou d'un parent. Ainsi un croisement réalisé par Schreiner en 1996 à partir de Honky Tonk Blues :
Honky Tonk Blue (Photo G. Raffaelli) |
Altruist (photo Twiki) |
Skywalker (photo Twiki) |
La semaine prochaine, nous aborderons les "choses sérieuses" et essayerons de fournir quelques éléments plus théoriques sur la génétique de l'iris et la façon dont les croisements peuvent provoquer les effets recherchés ainsi que sur l'évolution qui a conduit des iris diploIdes du début du XXe siècle aux tétraploïdes d'aujourd'hui.
Je pense qu'il vaut mieux tout d'abord savoir ce qu'on veut faire avec des croisements : CHOISIR UN BUT dans l'hybridation et s'y tenir. Sinon, on risque de faire n'importe quoi.
RépondreSupprimerC'est en effet une voie. C'est un peu celle de la raison, car les possibilités sont tellement nombreuses et les chances d'obtenir quelque chose de valable tellement réduites qu'on risque de se décourager.
SupprimerOn peut en effet se fixer un but : créer un iris rouge, un amoena inversé original (pétales "noirs" sépales blancs par ex.) et construire une ligne d'hybridation. Mais c'est un processus long et complexe et la réussite n'est pas évidente.
On peut choisir une voie inverse et croiser à tout va. Il y a parfois des hasards qui sont de bonnes surprises.
Super! merci Gérard c'est déjà passionnant, vivement la semaine prochaine!
RépondreSupprimerJ'aime bien aussi les voies du hasard et de la chance !!!
Je me permets d'insister. . . je ne vois pas comment le fait d'avoir un but dans l'hybridation empêche de faire les croisements "fantaisie". Je pense toujours qu'il faut avoir une idée de ce qu'on veut créer et faire des croisements exprès pour l'avoir (un jour) n'empêche pas non plus les résultats inattendus. La génétique des iris modernes est une telle "soupe" qu'on peut avoir plein de surprises, même en suivant son programme d'hybridation.
RépondreSupprimerBien sûr. Loin de moi cette idée !
SupprimerCertains iris "lauréats" résultent d'une dose de hasard. (C'est sauf erreur, le cas de Debby Rairdon, un vainqueur de la D.M.)