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mercredi 14 décembre 2011

Iris de Sibérie



Les iris de Sibérie n'ont pas forcément les pieds dans l'eau !


'Sweets of May' (Marty Schafer/Jan Sacks, 2006). Photo Twiki


Des Iris gracieux et relativement "faciles"

Il est assez difficile de comprendre pourquoi on voit si peu d'iris de Sibérie dans nos jardins. Est-ce le nom qui fait peur, laissant penser qu'ils sont réservés aux pays de grand froid ?
Est-ce l'idée fausse qu'il leur faut un plan d'eau pour bien pousser ?
En fait, les iris de Sibérie, fleurs gracieuses s'il en est, réussissent à pousser là où souvent les iris de jardin ne poussent pas.
Ils aiment un sol neutre à acide, alors que les iris de jardins sont plutôt calcicoles, ils aiment des sols frais et humides en tout cas bien drainés là où les autres préfèrent les sols plutôt secs,  et réussissent aussi à mi-ombre (6 heures quotidiennes de soleil quand même), là où les grands barbus réclament la caresse brûlante du soleil.

Une espèce originaire d'Europe et d'Asie

Iris Sibirica (Photo Wikipedia) 
 Leur nom est trompeur : les Iris de Sibérie ne sont en rien originaire de ces contrées trop froides, mais  d'Europe Centrale, des régions caucasiennes et d'Asie Mineure (Turquie). 
Ce sont des iris apogon (sans barbe) de la section Limniris . La série sibiricae comporte plusieurs espèces : bulleyana, chrysographes, delavayi, forrestii, sanguinea, sibirica..

Ce sont des plantes de terre humide (mais pas inondée). On en trouve de vastes étendues à l’état naturel près du Rhin.

Une culture relativement facile

Comme tous les iris, les sibirica préfèrent un emplacement ensoleillé, mais tolèrent la mi-ombre.
Ils ont besoin d'un sol frais, enrichi d'une bonne quantité de compost et d'un peu de tourbe si le sol est trop compact où trop calcaire. Dans ce dernier cas, on peut envisager de créer une fosse remplie   d'un mélange fibreux (terreau, compost, tourbe, terre de jardin et engrais à décomposition lente).
Ces iris peuvent supporter des froids importants l'hiver, mais ils ne doivent pas manquer d'eau pendant la période végétative. On n'hésitera donc pas à arroser en été par temps sec.
Si ce ne sont pas, à la différence des pseudacorus et des pseudatas des iris "pieds dans l'eau", ils affectionnent la proximité d'un plan d'eau et sont souvent utilisés en bordure de ceux-ci. Le retour en grâce des jardins d'eau en fait un élément décoratif de premier ordre. De surcroît ils fleurissent après les iris barbus. Même après la floraison, leurs hautes et fines feuilles rarement malades, constituent un décor naturel appréciable.
Ajoutons que si les conditions lui sont favorables, c'est un iris qui forme rapidement de belles touffes qu'il n'est pas besoin de diviser fréquemment

Une amélioration continue de la forme et de la couleur 

A partir des espèces botaniques I. sanguinea et I. sibirica, de nombreux croisements ont été opérés qui ont abouti à deux résultats spectaculaires : des fleurs plus amples et surtout une grande variété de coloris


Iris sanguinea (Wikipedia)


Les hybrides modernes présentent souvent des fleurs plus larges, des tiges plus ramifiées et des coloris plus variés, combinant désormais pétales et sépales de couleur différente et marques plus ou moins prononcées sur les sépales.
Cela s’est traduit par des plantes plus vigoureuses, des fleurs plus grandes ou encore des fleurs doubles (en fait par transformation de certaines pièces florales en pétales ou pétaloïdes)
Book of Secrets (Schafer/Sacks 2000) Photo JPW Gardens in Twiki


At The Crossroads (Marty Schafer/Jan Sacks, 2009) Photo Twiki (JanLauritzen)

Imperial Opal (Bauer/Cobble 2001) Une variété à fleur de gardénia…


La révolution des tétraploïdes

Les tétraploïdes sont apparus soit par croisement interspécifiques (notamment avec iris chrysographes) soit par traitement des graines à la colchicine (un alcaloïde tiré du colchique d’automne possédant des propriétés mutagènes : il favorise le doublement des chromosomes après trempage des graines dans une solution à 0,15%).On passe ainsi d'une plante qui possède 28 chromosomes à une plante qui en possède 40. Par la suite on a croisé entre elles ces plantes pour stabiliser le nombre de chromosomes dans la descendance.

Pour en savoir plus, on lira avec profit l'article de Sylvain Ruaud sur son blog du 21/10/2011 :
http://irisenligne.blogspot.com/2011_10_01_archive.html

Concord Crush (2009, Bauer/Coble)
Pour voir des introductions récentes, on peut regarder ce lien qui renvoie au site de la société américaine des Iris de Sibérie :

http://www.socsib.org/introductions.html

Les cal-sib, des beautés encore méconnues

Ce nom barbare a été donné à des iris qui sont le produit d'un croisement entre les iris de Californie et les iris de Sibérie. Le résultat : des plantes qui, possédant la robustesse des Sibiricas sont plus tolérantes quant aux conditions climatiques tout en présentant la large palette de couleurs des iris de Californie.

Les tiges sont généralement plus courtes que celles de l'iris de Sibérie mais plus grandes que celles des Pacificas. Le feuillage est semi-persistant, et les fleurs mesurent de 5 à 7 cm de diamètre. 
Les "cal-sib" poussent mieux lorsqu'ils sont plantés dans un sol riche et bien drainé en plein soleil ou mi-ombre (légère). 
Comme il s'agit d'un croisement inter-spécifique ces plantes sont normalement stériles mais allez savoir…

De nouveaux hybrides



De nouveaux hybrides crées par le Dr Tomas Tamberg, un pionnier de l'hybridation interspécifique offrent des perspectives considérables :
          -les Sibcal (croisement de cal-sib tétraploïdes et de Sino-Sibericas tétraploïdes

          -les sibtosa croisement d’iris sibirica et d’iris setosa (iris japonica) avec en outre une forme tétraploïde (tétrasibtosa)
Sibtosa Duchess (Tamberg/Schafer-Sacks 2002)


          -les chrystosa , croisement d’un iris chrysographes avec un iris setosa : particularité : 39 chromosomes et stérilité dans l’attente d’un croisement qui soit tétraploïde et fécond…



Où trouver ces merveilles ?

On  trouve des iris de Sibérie dans la plupart des catalogues en France (Bourdillon, chez qui on  trouve le bien curieux Helicopter à 6 pétales, et bien sûr, Cayeux). Mais le choix est  restreint et les nouveautés sont en très petit nombre. Les Iris du moulin de Kerwin offrent une vingtaine de variétés, dont certaines asssez récentes.
Pour un panorama complet de l'offre actuelle, il faut se tourner vers l'étranger notamment pour trouver les introductions récentes et les nouveaux hybrides:

          -aux Etats-Unis : Ensata Gardens (dont le site web est momentanément indisponible), qui possède un très vaste choix d'iris non barbus (japonica, siberica) et le plus vaste choix de tétraploïdes.
                                    John Pye Weed's Gardens: http://www.jpwflowers.com/                           
                                    Draycott gardens : http://draycott-gardens.com/otherframe.html

          -en Allemagne : la pépinière de Tomas Tamberg, offre les introductions du maître des lieux, dont le très beau Rauschblau dont la photo en touffe donne une idée de la valeur décorative de ces iris :
photo sur le site http://www.tamberg.homepage.t-online.de/homep36e.htm

C'est une bonne adresse, dans la mesure où l'on échappe aux tracasserie douanières, aux frais de certificat phyto sanitaire et où le règlement peut se faire (pour l'instant) en Euros…

Un livre pour finir pour ceux qui lisent l'anglais : The Siberian Irises de Currier Mc Even (le précurseur de l'hybridation des tétraploïdes) et Jean G Witt (Timber Press 1996)

Bloc Notes


Les joies de l’hybridation

Notre ami Loïc Tasquier s’est principalement consacré au travail d’hybridation pour obtenir de petits iris (petite taille, petites fleurs), ces iris « nains » que les américains appellent SDB (Standard Dwarf Bearded) ou MDB [Miniature Dwarf Bearded]. Mais il utilise aussi les MTB (Miniature Tall Bearded) dont la taille des tiges est celle des grands iris, mais dont les fleurs sont plus petites. On les appelle parfois "iris de table" parce qu'ils permettent de constituer d'élégants bouquets.
Pour Loïc, ""L’idée principale soutenant ce projet est d’obtenir une multitude de petites fleurs sur des tiges gracieuses dont le branchement en candélabre commence très bas. Bien sûr, une remontance précoce serait un bonus. Pour m’approcher de ce but, mes outils pricipaux sont les iris MTB tétraploides issus d’Aphylla créés tout d’abord par Ben Hager, puis par Ken Fisher, Jim Craig and Vicki Craig."

Il a recueilli son expérience de croisements à partir de descendants d’un iris botanique (iris aphylla) sous forme d’un document PDF largement illustré que l’on peut trouver à l’adresse suivante :


La simple consultation des photos montre ce qu’on peut obtenir par de judicieux mariages et la diversité des produits de la soupe génétique. À savourer sans modération !

Ainsi à partir de deux iris : Perfect Interlude (Schreiner 1983)
Photo Twiki
et Northern Jewel (Schreiner 1991) contenant des gènes d'iris Aphylla :
Photo Loïc Tasquier
Loïc a obtenu ceci:


Photo Loïc Tasquier
une amélioration assez nette des parents, dans le genre grand iris, mais aussi ceci :

Photo Loïc Tasquier
un iris de bordure (60 cm) très différent !

La trêve des confiseurs


Bonnes fêtes à toutes et à tous  !


Nul ne l'ignore, les semaines qui viennent sont vouées à la famille, aux maux de tête et aux crises de foie. Irisémoi se met en congé jusqu'au 5 janvier. À cette occasion, nous aurons le plaisir, pour accueillir la nouvelle année, de fureter parmi les iris de Louisiane, histoire de nous dépayser et de rêver.


jeudi 8 décembre 2011

Plaisirs d'automne


Semer à tous vents

Semer des iris est une chose facile en apparence. Mais faire des enfants, comme chacun sait, c’est prendre une responsabilité. Le plaisir de la conception est suivi de la nécessité de l’élevage et c’est là, le plus souvent, que les difficultés commencent !

Que semer ?

Spontanément, les iris ont tendance à produire des graines. C’est la loi du monde vivant : se reproduire est un des défis de l’espèce. Au service de cette nécessité la nature a mis en place un certain nombre de stratégies, voire de ruses.
Les iris se reproduisent par reproduction sexuée donc par transfert et mélange des caractères « males » vers des caractères (le récepteur) femelles. Si les espèces se reproduisent fidèlement par semis, il n'en va pas de même des hybrides qui sont le résultat de multiples croisements. 

Les semis « spontanés »

On appellera ainsi le résultat d’une fécondation « naturelle », c’est à dire sans intervention de l’homme. Elle peut être auto-fécondation si l’insecte pollinisateur a apporté sur le style le pollen de la même fleur. Elle peut être aussi une fécondation croisée, l’insecte réalisant en se déplaçant d’une fleur à l’autre, ce que l’hybrideur aurait pu faire, mais là, sans schéma pré-etabli.
On peut récolter ces graines et les semer, attendre le résultat. Le plus souvent la déception est grande : la fleur ne ressemble à aucun des iris que l’on a dans ses massifs, la tige manque de force ou d’élégance. Pourquoi ?
Les iris actuels, sont le résultats de nombreux croisements dirigés qui ont tendu à faire prévaloir une couleur  ou une forme, et d’une sélection impitoyable qui a éliminé tous les candidats présentant des défauts (manque de matière, fleur mal formée, insuffisance des boutons, mauvais placement de ceux-ci, etc.)

Or, dans le cas d’autofécondation, il arrive souvent que ces défauts réapparaissent, les caractères récessifs l’emportant sur les autres.
Cela veut-il dire que tout est à jeter ? L’amateur, qui n’a pas les impératifs économiques du professionnel, peut se permettre de prendre son temps. On voit apparaître en effet, parmi les caractères anciens qui réapparaissent, des choses qui ne sont pas sans intérêt : vigueur, résistance aux maladies, multiplication. Autant de qualités qui peuvent compenser des défauts (manque d’originalité du coloris, taille de la fleur) et dont on peut espérer conserver quelque chose à la génération suivante en le croisant avec un iris présentant les qualités défaillantes.
C’est ainsi que dans mon jardin est apparu un « intrus » qui présente la particularité de pousser comme du chiendent et de se multiplier comme un lapin (d’où son nom) dans des conditions difficiles au milieu des rosiers.

Comme un Lapin (semis spontané)

J’envisage de l’utiliser comme parent en le croisant avec des iris « modernes ». Toute la question est de savoir s’il est fertile. Faute d’avoir congelé le pollen de cet iris hâtif et d’avoir du pollen congelé d’autres iris, je n’ai pu le vérifier cette année. Je retenterai l’expérience au printemps.

L’hybridation contrôlée

C’est une expérience assez jouissive : car cela revient à créer un iris en fonction de critères que l’on a choisis. Ce n'est pas le lieu pour un discours sur la génétique des iris. Les iris actuels sont le produits de lignées complexes où les hybrideurs ont cherché à faire apparaître des caractères qui n'existaient pas dans les plantes indigènes (par exemple la couleur rose). Les Schreiner's aux Etats-Unis  ont développé des lignes d'hybridation extrêment complexes, dans le but de produire un iris rouge. Ils ont ce faisant crée des merveilles, mais n'ont toujours pas réussi à obtenir un vrai rouge !

La fécondation
La chose est assez simple mais demande un minimum de précautions. Il faut prélever le pollen de la fleur que l’on veut utiliser comme père. Opérer de préférence le matin, sur une fleur dont le pollen est mûr (il est pulvérulent). Le plus simple est de sectionner l’étamine avec une pince à brucelles ou à défaut une pince à épiler. Ensuite choisir la mère : une fleur récemment ouverte qui n’aura pas été visitée par les bourdons. Déposer à l’aide d’un pinceau le pollen sur le stigmate et répéter l’opération sur les trois stigmates.
Voir l’opération en photos très bien décrite et avec de nombreux conseils sur le site de la SFIB :


On conseille ensuite de casser les sépales de la plante mère (sépales qui constituent la « piste d’atterrissage » des bourdons) pour éviter une fécondation non souhaitée. Si on répugne à cette opération, on peut entourer la fleur d’un sachet en gaze.

Le semis

Lorsque la gousse est mure, en été, (on compte environ 3 mois après la fécondation) on récolte précautionneusement les graines et on les laisse sécher.
Puis on les sème…
Pour que le semis lève, la graine doit avoir subi une période de froid qui lève la « dormance ». Un hiver froid y contribue. Mais on peut reproduire artificiellement ces conditions en plaçant les graines dans un sachet au réfrigérateur pendant un à deux mois ou quelques heures au congélateur. On appelle cela la vernalisation. Cette opération permet de semer les graines beaucoup plus tôt et de gagner quelques mois sur la germination et donc la croissance.
Ensuite, on fait tremper quelques jours les graines dans de l’eau claire pour les réhydrater en changeant l’eau tous les jours. Puis on sème dans des pots contenant un mélange léger (1/3 sable, 1/3 terreau ou compost, 1/3 terre franche). On maintient humide.
Il ne reste plus qu’ à attendre que les pousses lèvent. Pour les semis effectués en août/septembre avec une levée précoce, on peut garder les pots en serre froide pour l’hiver où les enterrer dans le jardin en protégeant les plantules du froid par un voile d’hivernage ou un plastique bulle.

Bratislavan Prince x Fall Enterprise (photo prise ce jour)

On remarquera les granulés anti-limaces. Les petites plantules sont en effet la proie de ces charmantes bestioles. On peut ne rien faire, ce qui est une façon de sélectionner… mais c'est laisser beaucoup de place au hasard !

L’élevage

J’évoquais les difficultés. Passée la jouissance de la fécondation qui vous a fait vous prendre pour un dieu créateur et multiplier vos hybridations, il faut vous rendre à l’évidence : 50 graines par gousse en moyenne, un taux de germination de 1 pour deux, vous voilà à la tête d’une jolie petite pépinière. Avec une vingtaine de croisements réussis, vous aurez déjà 500 iris à replanter et pour lesquels il faudra trouver de la place !!!

Dès que les plants auront trois ou quatre feuilles, il faudra en effet les replanter en place, dans un premier temps avec un espacement de 10 cm, puis dès lors qu'ils auront atteint une taille suffisante à une distance de 30 cm.

Il est assez rare que des iris semés en Août fleurissent dès le printemps suivant, mais cela peut se produire. En règle générale, il faudra attendre un an de plus et c'est là que commence le dilemme : que garder que jeter. Si l'on veut être très "pro" et être fier de sa progéniture, il faut être sévère dans le rôle d'"éliminator". Ne garder que les meilleurs (rien en dessous de 5 boutons, veiller au placement de ceux ci sur la tige : bien espacés et détachés; qualité et forme de la fleur, originalité du coloris, vigueur de la plante). On peut déjà éliminer les 2/3 des plants. Un jugement définitif requiert deux ou trois ans d'observation, après quoi, on élimine encore. Comme dirait notre ami Loïc, au final, ça fait de la place (pour recommencer l'aventure !). Certains croisements peuevent donner beaucoup de bonnes chose, d'autres, rien du tout. C'est la magie le chose. En attendant il ne reste qu'à rêver !

Des iris à Noël

À Automne exceptionnel (les températures moyennes les plus élevées depuis 80 ans), végétation exceptionnelle ! Dans nos jardins, les remontants continuent de fleurit. Deux nouveaux pieds de Belvi Queen ont entamé leur floraison avec chacun 5 à boutons en attente. Si tout va bien, ils devraient encore être en fleur à Noël. Même chose pour Autumn Circus.
Je continnue de recueillir les données pour tenter d'établir une liste des remontants les plus solides et les plus constants. Elle sera publiée la semaine prochaine ou dans 15jours.

En voici deux qui ont fleuri en Sologne :

Photo J.F.


Photo J.F.