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jeudi 12 avril 2012

L'hybridation des iris


L’hybridation : un passe-temps passion à la portée de tous !

En parlant de passe-temps, je vais en faire bondir plus d’un !
Voyons, c’est beaucoup plus sérieux que cela puisqu’on va jouer à la Création. Dommage que Michel-Ange ne puisse rajouter un panneau au plafond de la « Sixtine » !

Faire des bébés c’est  relativement facile !

Il faut d’abord choisir des  parents. C’est à la fois simple et compliqué. Nous reviendrons sur ce sujet plus loin, supposons la question résolue. On a choisi une mère à la corolle accueillante, il reste à choisir le père pourvu d’un pollen abondant et mûr.
On conseillera d’opérer plutôt le matin sur une fleur (la mère) récemment ouverte, dont on prendra soin de supprimer les étamines, pour éviter toute autofécondation intempestive. On aura par ailleurs prélevé sur le père le pollen (soit l’étamine entière, soit le pollen avec un pinceau) et on déposera le pollen sur les trois stigmates, comme le montre ce pas à pas du site de la SFIB : 

Après cela, on conseille de casser les sépales de la mère (les sépales sont les pistes d’atterrissages des bourdons qui pourraient apporter du pollen étranger non désiré. Les scientifiques objecteront que c’est inutile. Si la fécondation manuelle a réussi, il n’y a palus de possibilité de nouvelle fécondation. Objection reçue. Mais il est possible que le pollen du père choisi ne soit pas fertile. Dans ce cas, un pollen apporté de l’extérieur pourrait féconder la mère et laisser croire au final que les graines obtenues proviennent du croisement désiré, alors qu’il n’en est rien. Comme dit la sagesse populaire : « prudence est mère de sureté ». On peut aussi si l’on ne veut pas casser les sépales entourer la fleur d’une gaze jusqu’à ce que la réussite de la fécondation soit apparente (gonflement de l’ovaire).

Ensuite attendre…
Plusieurs semaines après cette opération (voire plusieurs mois, les « capsules » commencent à jaunir et à s’entrouvrir. Il faut alors les récolter : les ouvrir et recueillir les graines que l’on va tranquillement laisser sécher quelques jours.
A partir de là, deux techniques : une traditionnelle et une « rapide » pour les impatients.

La méthode traditionnelle.

On laisse sécher les graines puis on les sème en octobre dans des terrines (mélange trois tiers : terre franche, sable, terreau) où l’on aura pris soin d’indiquer le croisement par une étiquette indélébile. On arrose et l’on attend le printemps. Les graines lèveront de façon plus ou moins capricieuse (certaines ne germeront que la deuxième année). Quant les plantules auront atteint une quinzaine de cm on pourra alors les repiquer dans des godets (sans oublier d’indiquer par une étiquette le croisement effectué. (Oui, ça fait beaucoup d’étiquettes ! Aussi peut on, si on a la possibilité de ranger correctement les pots, d’indiquer le croisement au début de la rangée).
Puis, lorsque les racines se seront bien développées et que le plant aura forci, on les installera en pleine terre. Il faudra encore attendre un an ou deux pour avoir les premières fleurs. 

La méthode « rapide » pour les impatients !

Elle permet de gagner pratiquement un an, en pratiquant le semis peu de temps après la récolte des graines et en « forçant » celles-ci.
Explication :
            -pour germer, les graines ont besoin d’une part de subir «un « coup de froid » qui lève la dormance et d’autre part d’être réhydratées. Deux opérations qu’il est possible de reproduire artificiellement (on parlera de « vernalisation »).
            -on met les graines dans un sachet, placé au congélateur pendant deux à trois heures (voire un peu plus). Puis, on trempe les graines dans de l’eau pendant plusieurs jours, en changeant cette eau régulièrement.
Enfin on procède comme précédemment : on sème les graines dans une terrine et on arrose de manière à ne pas laisser le pot se dessécher. La levée s’opère en un ou deux mois environ. [si l’on souhaite des explications plus détaillées sur le processus de dormance en général et sa levée, on peut consulter ce lien : http://www.greffer.net/?p=194]

            -il conviendra ensuite de protéger les jeunes semis. Ils se croient au printemps, alors qu’ils vont entrer dans l’hiver ! Il faudra pour cela les abriter du froid qui leur serait fatal (serre froide, véranda non chauffée ou serre-tunnel). Dans les régions de climat doux, on peut se contenter d’un endroit abrité et d’un voile d’hivernage.

Ensuite, au début du printemps, on procèdera  comme avec la méthode traditionnelle (repiquage).


J'installe les pots à mi-ombre jusqu'à la reprise, pour éviter les brulures du soleil et le déssèchement

Les soucis commencent alors !

Une capsule peut contenir  quelques graines (4 par exemple sur un croisement) ou beaucoup plus (60 voire plus…) . Vous avez fait une dizaine de croisements sur plusieurs fleurs, vos graines ont remarquablement levé et vous vous trouves à la tête de plusieurs centaines de plants qu’il va falloir mettre en godets, puis en petits pots. Premierr souci : trouver des pots (mangez des yaourts !). Puis il faudra ensuite trouver de l’espace pour replanter en pleine terre vos enfants. Sauf à élever vos rejetons en pot, ce qui peut se concevoir, le temps d’éliminer les créations indignes.

Vient en effet le moment le plus difficile : choisir et éliminer.
Choisir ceux que l’on garde, car ils présentent toutes les caractéristiques d’un bon iris, éliminer les autres.
Eliminer : c’est un crève cœur, parce qu’on a attendu deux ans, voire trois. Pourtant certains iris sont mal formés, malingres ou tout simplement inintéressants. Direction : le tas de compost ! Mais direz vous, cet iris qui a peu de boutons ne peut-il pas être conservé, car le coloris est original. Peut-être pourrait-il transmettre ses qualités et pas ses défauts dans un croisement ultérieur. Gardons le donc en attente au bénéfice du doute. Néanmoins sur la soixantaine ou centaine d’iris nés du même croisement, beaucoup vont se ressembler. La sagesse commande de ne garder que les plus résistants, les plus vigoureux, les plus florifères.
Choisir alors ceux que l’on conserve sans réserve, pour l’originalité ou la pureté du coloris, la vigueur, la tenue, le nombre de boutons, la qualité du branchement. La messe est-elle dite ? Non. Car il faudra les regarder grandir dans le temps. On ne pourra juger définitivement que sur une période de trois ans (voire plus), le temps que l’iris s’installe et révèle (ou infirme) ses qualités.

Que veut-on obtenir ?

C'est en effet la question qu'on peut se poser : Veut-on en semant, obtenir plus rapidement beaucoup d'iris ? Si c'est votre motivation, mieux vaut alors renoncer ! D'abord, parce que les iris se multiplient naturellement assez rapidement et surtout parce que s'agissant d'iris hybrides (résultat de plus d'un siècle de croisements) le semis ne produira pas une population homogène qui reproduise fidèlement les caractéristiques des parents.
Le but de l'hybridation est en effet de créer quelque chose de nouveau. À tout coup on créera eneffet quelque chose de différent des parents, mais il n'est pas garanti que cela constitue une amélioration, ni que le produit apporte vraiment quelque chose de vraiment nouveau.

Ou bien on veut « s’amuser », on n’a aucune intention de rivaliser avec les hybrideurs professionnels et l’on se contentera d’un résultat honnête s’il est agréable à l’œil. Ou bien (et l’on se prend vite au jeu) on souhaite vraiment créer quelque chose de nouveau par la couleur, la forme, le nombre et la taille des fleurs, et là, on ne peut pas laisser grand chose au hasard. Il faut s’intéresser un peu à la génétique et établir un programme d’hybridation. Et on rentre dans des choses un peu plus compliquées, sur lesquelles il n’existe pas grand chose en français.

Quelques éléments de génétique de l’iris



Comment savoir en effet ce qu'on va obtenir quand on choisit des parents, ou à l'inverse comment choisir les parents pour obtenir ce que l'on recherche (démarche la plus fréquente pour les obtenteurs professionnels)

Les constats empiriques

On peut déjà observer ce qui a été obtenu par d'autres et tenter de comprendre ce qui se passe.

Le cas de Brown Lasso, un iris de bordure vainqueur de la Dikes Medal en 1981 a été bien étudié par Sylvain Ruaud dans son blog du 19 janvier 2002 ( http://irisenligne.blogspot.fr/2002/01/brown-lasso-le-petit-iris-brown-lasso.html)
Brown Lasso (photo Twiki)

Il est issu d'une mère (Punchline) qui apporte la bordure des sépales (le "lasso") :
Punchline (photo Twiki)

et d'un père, lui même croisement de Milestone (qui apporte le jaune beurré des pétales) :
Milestone (photo Twiki
et de Wild Mustang, un "blend"aux pétales rose bengale et aux sépales violet orchidée dont on peut penser qu'il aura servi à renforcer la couleur des sépales.
On a donc ici un iris qui aura conjugué des carctéristiques appartenant aux deux parents et de façon heureuse, le résultat étant supérieur aux géniteurs (merci papa, merci maman).

Parfois le croisement donne des résultats très voisins des parents ou d'un parent. Ainsi un croisement réalisé par Schreiner en 1996 à partir de Honky Tonk Blues :
Honky Tonk Blue (Photo G. Raffaelli)
et d'Altruist :
Altruist (photo Twiki)
donne un résultat Skywalker qui est très proche (en plus pâle) d'Honky Tonk Blues :

Skywalker (photo Twiki)
dont il a gardé la forme et l'architecture d'ensemble. Et ici, Schreiner n'a conservé que le meilleur des semis (du moins on peut le supposer)

La semaine prochaine, nous aborderons les "choses sérieuses" et essayerons de fournir quelques éléments plus théoriques sur la génétique de l'iris et la façon dont les croisements peuvent provoquer les effets recherchés ainsi que sur l'évolution qui a conduit des iris diploIdes du début du XXe siècle aux tétraploïdes d'aujourd'hui.



5 commentaires:

  1. Je pense qu'il vaut mieux tout d'abord savoir ce qu'on veut faire avec des croisements : CHOISIR UN BUT dans l'hybridation et s'y tenir. Sinon, on risque de faire n'importe quoi.

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    1. C'est en effet une voie. C'est un peu celle de la raison, car les possibilités sont tellement nombreuses et les chances d'obtenir quelque chose de valable tellement réduites qu'on risque de se décourager.
      On peut en effet se fixer un but : créer un iris rouge, un amoena inversé original (pétales "noirs" sépales blancs par ex.) et construire une ligne d'hybridation. Mais c'est un processus long et complexe et la réussite n'est pas évidente.
      On peut choisir une voie inverse et croiser à tout va. Il y a parfois des hasards qui sont de bonnes surprises.

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  2. Super! merci Gérard c'est déjà passionnant, vivement la semaine prochaine!
    J'aime bien aussi les voies du hasard et de la chance !!!

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  3. Je me permets d'insister. . . je ne vois pas comment le fait d'avoir un but dans l'hybridation empêche de faire les croisements "fantaisie". Je pense toujours qu'il faut avoir une idée de ce qu'on veut créer et faire des croisements exprès pour l'avoir (un jour) n'empêche pas non plus les résultats inattendus. La génétique des iris modernes est une telle "soupe" qu'on peut avoir plein de surprises, même en suivant son programme d'hybridation.

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    1. Bien sûr. Loin de moi cette idée !
      Certains iris "lauréats" résultent d'une dose de hasard. (C'est sauf erreur, le cas de Debby Rairdon, un vainqueur de la D.M.)

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