Un long silence
Plusieurs mois sans une seule publication méritent quelques mots d'explication.
Contrairement à ce que j'espérais, Erwinia "bouffe-carottes" (Erwinia Carotovora) ne m'a pas laissé de répit et a infecté de nouveaux massifs, ce qui m'a obligé à un important travail dans le jardin, achevé hier.
Ça n'a pas contribué à me réchauffer le moral et les péripéties face à cet ennemi rapproché m'ont fortement interpellé. Dans un blog qui est censé fournir des conseils sur la culture des iris, que dire qui ne sera pas invalidé par l'amer constat des échecs, quelques jours ou quelques semaines plus tard. J'y reviendrai plus loin…
J'avais entrepris aussi une réflexion sur la génétique et l'hybridation des iris, mais j'avais sous-estimé le travail à accomplir avant d'en maîtriser les arcanes. Le temps du Lycée est loin et quand je l'ai quitté, l'enseignement n'avait pas encore intégré l'existence de l'ADN…
J'essaierai la semaine prochaine de livrer quelques pistes utiles. Cette semaine quelques remarques pratiques sur les travaux à effectuer au jardin et un état des lieux face à la lutte contre la pourriture bactérienne.
Que faire aux iris en cette fin d'été ?
Terminer les plantations si ce n'est déjà fait
Dans les régions les plus clémentes, on peut encore planter les nouvelles acquisitions, sans trop tarder, car il faut qu'avant les gelées les plants aient eu le temps de s'enraciner.
Penser à les arroser de temps en temps jusqu'à reprise, à les étiqueter soigneusement, et à recopier sur un cahier le plan de plantation : une étiquette peut être dérangée par une taupe, un chat (c'est le sport préféré du gentil greffier de mon voisin) ou encore un enfant.
Ici, c'est fini, provisoirement : les nouveautés ont été installées sur un emplacement provisoire (hélas un peu étroit) en attendant de les installer à leur emplacement définitif l'an prochain (plantation en quarantaine de précaution)
Nettoyer les massifs
Enlever les feuilles sèches en les tirant doucement. Si elles ne viennent pas toutes seules, les couper au sécateur. En tout état de cause, éviter de blesser le rhizome.
Couper les feuilles tachées et seulement celles-ci. La question est souvent posée sur les forums : faut-il couper les feuilles ? La réponse est : non si elles ne sont pas tachées, car le feuillage participe à la photosynthèse qui contribue à la croissance de la plante. On se contentera donc d'éliminer les feuilles trop tachées et plus simplement de les couper au dessus de la dernière tache (de fait on obtient une coupe en éventail)
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taille des feuilles tachées |
Désherber
Enlever les mauvaises herbes, car elles constituent un refuge à parasites et nuisibles de toute sorte.
Eviter le round-up et le glyphosate en général qui risque de compromettre la floraison si une goutte atteint le rhizome (monstres). Utiliser la main ou les outils de binage.
Une fois le terrain propre, si l'on n'a plus l'échine souple et (ou) si la surface à désherber est importante, on peut utiliser un désherbant comme le Sencoral qui empêche la germination des dicotylédones. Mais pour qu'il soit efficace, ce produit suppose qu'il pleuve. Par temps sec et sans arrosage ça ne sert à rien.
Traiter si nécessaire
Un traitement à la bouilie bordelaise préviendra les taches du feuillage (hétérosporiose) et aidera (peut-être) à lutter contre les bactéries pathogènes qui n'aiment pas le cuivre.
Précisons que la bouillie bordelaise est acceptée en agriculture biologique…
Donner à manger à ceux qui ont faim
La question des engrais a fait l'objet de débats animés sur le forum de la SFIB. C'est volontairement que nous avons choisi le titre ci-dessus.
La question n'est pas théorique mais pratique. Si votre sol est suffisamment nutritif et si vos iris ne souffrent pas de sous-alimentation, inutile d'en rajouter. Dans ce cas, on se contentera d'aérer le sol par un griffage superficiel et c'est tout. Les rhizomes en "poussant" vont chercher d'eux-même la nourriture dont ils ont besoin, dans un sol qui n'est pas épuisé.
Avant de déverser des quantités d'engrais (organiques ou chimiques), il faut connaître la nature du sol et comprendre les
besoins de ses plantes.
L'iris pour croitre a besoin de potasse qui contribue à l'accumulation des réserves dans le rhizome. Il a aussi besoin de phosphore pour bien fleurir. Sur les sacs d'engrais, ces deux constituants sont désignés par des lettres (P pour le phosphore, K pour la potasse). Faut-il aussi apporter de l'azote (N), un constituant qui aide à la pousse des feuilles ? On répond généralement "non". Et on a tort. On a tort, parce qu'on ne peut être systématique. Cela dépend de la nature du sol, de sa teneur en matières organiques. Un sol sableux nécessitera un apport d'azote alors qu'un sol argileux et humique n'en n'aura sans doute pas besoin. L'azote parce qu'il aide à la pousse des feuilles a son utilité : les feuilles sont indispensables à la photosynthèse qui permet à la plante d'accumuler les réserves. Avec des feuilles rachitiques, la plante se développera mal.
Mais tout est affaire de mesure : " Rien de trop" (
Meden Agan (μηδὲν ἄγαν)) disaient les Grecs anciens qui avaient inscrit cette devise sur le fronton du temple d'Apollon à Delphes.
A trop "bourrer" ses iris d'azote, on favorise la pourriture bactérienne (Erwinia en raffole), au mieux un excès d'azote favorisera la pousse de feuilles au détriment de la floraison.
Certains disent : je n'utilise pas d'engrais, je fais simplement un apport de terreau ou d'or brun". Mais certains terreaux sont riches en azote et particulièrement les terreaux enrichis en Or Brun, ainsi présenté sur le site de la marque : "Regorgeant d'azote, de phosphore, potasse, fer, calcium, magnésie, oligo-éléments, acides humiques et micro-organismes, il améliore les caractéristiques agronomiques du sol en nourrissant, régénérant et restructurant la terre."
Attention donc à l'apport caché d'azote ! Mais si votre sol en a besoin, cette solution en vaut bien d'autres.
Une saison en enfer
Résumé des chapitres précédents
Cette année, nous avons ici, tout connu, gel précoce, grele, hétérosporiose, pourriture bactérienne à épisodes multiples, insectes, etc.
Les pertes ont été sévères (près de deux cents pieds dont une cinquantaine de variétés anciennes ou pire encore, très récentes) et les soins pas toujours concluants (180 iris mis en pot après curage, javellisation et sèchage). Voir les rubriques des livraisons précédentes.
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Mon hôpital : le "Val de Grâce" |
Bilan
Le constat est un peu alarmant. la bactérie a montré des signes de résistance au bain javellisé. Le traitement de certains rhizomes (les plus récents et les plus chers) avec une pommade antibiotique (à titre d'essai et en pot, donc sans risque de dissémination) n'a pas toujours donné de résultat.
L'analyse des conditions d'apparition et de développement de la bactérie a défié toutes nos certitudes. Ni l'exposition, ni le sol, ni l'azote ni les engrais en général n'ont permis d'expliquer la généralisation de l'infection dans des conditions très différentes de sol, d'exposition ou d'apport d'engrais. (Même en pot, dans un terreau stérile en exposition ensoleillée)…
Cela nous laisse perplexe et nous amène à nous interroger sur une dangerosité plus grande de la bactérie devenue plus résistante que parle passé.
La recherche de remède n'aboutit pas pour l'instant (en l'absence de solution antibiotique, interdite dans l'U.E.). Mon enquête auprès des producteurs de légumes sensibles à ce fléau (carottes, pommes de terre) n'a rien donné : ils jettent les tubercules ou racines touchées et changent de terrain l'année suivante). Les ouvrages qui traitent des maladies de l'iris ou des tubercules en général conseillent d'arracher et de bruler. Les pistes d'avenir sont :
•la découverte d'un virus bactériophage. Les virus possèdent en effet la particularité de percer la membrane de la bactérie et de la tuer ou de la rendre inoffensive. Si on a trouve le phage d'Echerichia Coli, on n'a pas, à ma connaissance effectué de telles recherches (ou pas abouti) avec Erwinia. Les enjeux économiques et humains ne sont pas les mêmes. On peut le comprendre.
•le génie génétique : Une modification du génome de l'iris par introduction d'un gene de résistance à la bactérie. Mais l'iris, on l'admettra, n'est pas une priorité, le cout étant de surcroit prohibitif. En outre, est-ce vraiment utile de jouer ainsi avec la nature ?
Les semis n'ont pas été nombreux, la pluie de printemps ayant empêché les fécondations. Quatre capsules ont donné une quarantaine de graines. Espérons que parmi celles qui germeront se trouvera l'iris dont je rêve.
En ce moment la sécheresse sévit : 2 mm d'eau en un mois et demi. A plus de 5 € le m3, il n'est pas question d'arroser. Donc, pas de remontée. On se contente des roses qui, plus généreuses que nos fleurs préférées ont la bonne idée de nous donner le spectacle de leur beauté :
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Scepter d'Isle Rosier anglais d'Austin |