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jeudi 28 juin 2012

LA LUTTE CONTINUE

On n'en finira donc jamais ?

Certains se sont étonnés de l'interruption du blog et de la suspension de l'étude sur l'hybridation.
Quelques explications sont nécessaires.
J'ai connu, comme d'autres parmi vous, hélas, une série d'attaques d'Erwinia carotovora, la bactérie tueuse, qui a causé de sérieux dommages dans mes plantations (et m'a obligé à un travail qui n'était pas initialement prévu).
Et ceci en trois vagues successives et sous des formes différentes à chaque fois.

Chronologie :
 •Précocément, dès le mois de mars chez certains amis, puis de façon plus large en avril, notamment chez moi, on note une attaque de pourriture bactérienne qui touche principalement la base des feuilles puis le rhizome. Souvent, c'est la feuille centrale qui jaunit, tandis que l'odeur douceâtre de pourriture (qui vaut à cette pourriture bactérienne le surnom de "pourriture douce") se répand. Enlèvement du rhizome malade, désinfection à la javel du sol et du plant et installation du malade en observation en pot.

L'"Hôpital"


•Une deuxième vague, favorisée sans doute par le printemps pluvieux (ici en Touraine, nous effectuons le "rattrapage" de l'année 2011 particulièrement sèche) fait des ravages dans les nouvelles plantations au moment de la floraison. Soins peu efficaces : difficile d'exposer les rhizomes aux rayons du soleil lorsque celui-ci ne se montre pas. Mais je constate assez vite que cette fois (et particulièrement depuis le 5 juin), la pourriture frappe d'abord les tiges florales (en fleur ou portant une capsule) qui brunissent, deviennent molles tandis que la pourriture gagne rapidement l'ensemble de la plante. Inutile de dire que les essais d'hybridation sont à peu près réduits à néant pour cette année. Début de l'arrachage de plusieurs massifs et replantation des iris indemnes après trempage (javel à 10%) dans un terrain nouveau que j'ai baptisé (on comprendra pourquoi) le "Val de Grâce" !

tige florale atteinte par le milieu. La pourriture descend jusqu'au rhizome

•La troisième vague frappe depuis dix jours, sous une forme beaucoup plus sournoise et que je n'aurais sans doute pas eu le loisir d'observer si je n'avais décidé, pour éviter la propagation, d'arracher tout un massif : la pourriture attaque sous le rhizome, plus exactement dans les parties tendres à la base des feuilles externes
'Romancer' attaqué à la base des feuilles

vue latérale



2e étape la partie tendre du rhizome est attaquée


et pour finir …
Ces images sont prises après curage, trempage et exposition au soleil. On peut constater que dans cette forme d'attaque, la pourriture n'est pas stoppée, malgré, à titre d'expérience, l'utilisation sur deux rhizomes d'une pommade antibiotique.

iris traité sans grand succès
Certains, replantés en pot ont vu la pourriture repartir.


Ici, sur 'Silverado', reprise de pourriture au niveau de l'attache de la tige florale, malgré curage et désinfection.
gros plan de la précédente

Il a donc fallu ne replanter en pleine terre, après traitement, que ceux qui ne présentaient aucune trace de pourriture visible. La moitié des iris jetés et brulés…
Bilan : une trentaine de variétés récentes totalement perdues et une dizaine d'autres en situation précaire avec pronostic vital engagé, comme on dit.

Survivant en situation précaire

Quelques réflexions et une lueur d'espoir

Pour bien comprendre, il faut faire une étude "épidémiologique" : apparition de la maladie, diffusion, résistance.

Une maladie "importée" ?

Il n'y avait pas de pourriture bactérienne dans mon jardin depuis de très nombreuses années, jusqu'à ce que je renoue avec les achats en provenance de l'extérieur en 2010 et 2011. Une livraison "européenne" présentait un cas d'iris pourri dans le carton. L'iris a été éliminé, mais la bactérie avait sans doute eu le temps de se multiplier dans l'atmosphère confinée du carton. Au réveil de la végétation, les iris contaminés se sont mis à pourrir à leur tour.
Dans un deuxième temps, la pourriture s'est étendue à des plantations de l'année précédente qui s'étaient jusqu'alors développées sans problème.
Enfin, les massifs plus anciens ont à leur tour été atteints que je croyais devoir être épargnés
D'où l'importance des recommandations données précédemment sur la nécessité d'une "quarantaine" pour tous les nouveaux arrivants dans le jardin. Même quand il y a des contrôles phyto-sanitaires, une bactérie dormante n'est pas nécessairement décelée. Et pour les importations en provenance de l'U.E, il n'y a pas, à ma connaissance, d'obligation de contrôle.
Certes, les producteurs sont attentifs et ce n'est pas dans leur intérêt que de vendre des plants malades et il n'est pas question de les incriminer. Lawrence Ransom me dit les soins qu'il pratique avant toute expédition de rhizomes et il y a lieu de penser que c'est la cas de l'ensemble des professionnels. Mais il peut y avoir à un moment oubli, voire résistance particulière (ce que je constate dans mon "hôpital")… Et les échanges peuvent contribuer à la dissémination. D'où une vigilance "prudentielle" nécessaire.
Nul, en effet n'est à l'abri de cette peste, même si beaucoup sont épargnés. Sur le blog de l'AIS (société américaine des iris), Bryce Williamson disait récemment n'avoir pu sauver qu'une soixantaine de semis sur 3000 à cause d'une maladie dont il ne précisait pas la nature. On peut supposer (avec prudence) qu'il s'agissait de pourriture bactérienne… (même si aux E.U. le scorch et la pyrale de l'iris (iris borer) sont susceptibles de causer de très importants dégats)

Les facteurs de propagation

•les conditions climatiques exceptionnelles : l'humidité de ce printemps : Erwinia est une bactérie aérobie, qui se développe donc en milieu humide…
•la présence de nombreux insectes piqueurs : moucherons, moustiques, etc qui ont porté de plante en plante la bactérie

Une résistance plus forte aux traitements

Le trempage dans une solution javellisée, le séchage au soleil (rare et incertain cette année) et même sur quelques plants l'utilisation d'une pommade antibiotique (à titre d'essai) n'ont pas permis de toujours guérir les plants malades. Dans le passé, ce traitement avait été efficace.
On verra ce qu'il en est des rhizomes apparemment sains, qui ont subi le même traitement (javel + soleil) avant replantation.

Une atteinte variable en fonction des variétés ?

Certains cultivars se sont révélés plus sensibles que d'autres à la pourriture. Ainsi 'It's Magic' planté pourtant en trois endroits différents a quasiment disparu.
'Cheeky', 'Romancer' ont été aussi fortement touchés, tandis que d'autres résistaient mieux, situées pourtant à coté : 'Who's Your Daddy', 'Starring'.
'Westpointer' semble assez sensible, comme d'ailleurs certains de mes iris préférés ('Disguise', 'Bratislavan Prince', Brown Lasso).

Une lueur d'espoir

Certaines plate-bandes, situées loin de la source primaire d'infection n'ont pas été touchées. Ce qui remêt à leur juste place les conditions météorologiques : facteur de propagation et c'est tout !
On peut donc penser qu'avec une hygiène de plantation : trempage systématique des plants reçus dans la solution à 10% + quarantaine pendant deux ans, on devrait pouvoir rester à l'abri de cette peste et considérer l'iris comme une plante qui résiste à (presque) tout.

J'ai terminé, pour l'instant,  mon travail de replantation et devrais pouvoir reprendre une activité plus régulière sur ce blog

mercredi 13 juin 2012

Floraisons 2012

Une année moyenne pour une floraison gachée par le temps

Sur une centaine de nouveautés, un bon tiers seulement a daigné fleurir. Plusieurs causes à cela : le sol de mon jardin n'est guère favorable et les iris mettent quelque temps à s'installer. Mais en plus, un printemps précoce suivi d'un hiver tardif et prolongé, et un retour de printemps pluvieux et froid, voilà qui n'a certes pas arrangé les choses.
Beaucoup de mal à prendre des photos sans pluie, et à conserver des fleurs en bon état. Un orage de grèle particulièrement violent nous a privé de la floraison de quelques iris dont les tiges ont été irrémédiablement cassées.
La floraison, plus tardive a été aussi beaucoup plus groupée que d'habitude. Parmi les premiers iris à s'ouvrir 'Echo de France' (Anfosso 1984) et 'Who's your Daddy' (Blyth 2001). Parmi les derniers 'Bragadoccio' (Keppel 1997) et Speed Limit (Lauer 1992) un magnifique iris avec un branchement superlatif et de grosses fleurs bleues éclairées d'une tache blanche sur les sépales. Ce sera son chant du cygne, car la pourriture l'a irrémédiablement emporté.
Cela risque d'être le cas de beaucoup des iris photographiés ici, car la pourriture bactérienne fait en ce moment des ravages, et les traitements semblent impuissants à la stopper.
Mais ne boudons pas pour autant un plaisir ephémère ! Revue de détail :

AFFAIRE (Blyth 1992 )

L'Iris n'est pas très haut, peut-être du fait des conditions météo particulières. Mais les couleurs sont vives (et assez différentes de deux des trois photos de twiki). Sa vigueur semble très moyenne pour l'instant

Amplified (Ghio 2000)

Planté en 2010 il a fleuri cette année pour la première fois. C'est un iris très brillant : une tache de couleur que l'on remarque de loin. Vigueur et prolificité moyenne

Awesome Alex (Burseen 2004)

Un bel iris à éperons, d'une couleur assez douce. Se développe correctement ici.

Barbanera (Bianco 2001)

Belle forme, mais la barbe est plus brune que noire !

Black Suited (Innerst 2000)

C'est ici, le plus noir des "noirs". Une tige bien ramifiée qui se tient bien, une multiplication convenable. C'est vraiment un iris qui attire l'œil.

Bold Fashion (Schreiner 1988)

Première floraison, un bel iris, mais qui pour moi manque un peu de substance. Sa forme est aujourd'hui un peu "dépassée", mais il se tient bien et est assez lumineux 

Calicot Cat (Carr 2000)

Un Iris de bordure très agréable à regarder. Assez prolifique. Comme beaucoup d'iris de bordure, il n'atteint pas les 80 cm et les fleurs, plus petites sont harmonieusement proportionnées. On ne se plaindra pas de la taille : au moins les tiges ne sont elles pas couchées par le vent

Calliope Magic (Turner 1995)

Un abricot assez vif, bien formé, vigoureux et prolifique

Cherry Blossom Song (Schreiner 2002)

La photo ne rend pas vraiment hommage à cet iris. Il faut dire que les jours sans pluie ont été assez rares. Il ressemble à un 'Latin Lover' amélioré. La couleur est vive et la barbe orange fait vibrer l'ensemble

Comic Opera (Sutton's 2005)

J'aime beaucoup l'élégance, la forme et le coloris. Un iris qui arrête tout de suite le regard.

Concertina (Sutton 2000)

Un Iris intermédiaire, qui vient de chez mon amie Joelle. La barbe bleue fait un violent contraste avec la douceur rosée des tépales. Beaucoup de charme. Un iris très "féminin"

Conjuring Cat (Black 2005)

Les iris de Paul Black ont quelque chose d'indéfinissable que les autres n'ont pas. Une marque de fabrique, en quelque sorte. La légère bordure dorée des pétales ajoute à la magie. J'en suis tombé "amoureux" à sa première fleur. J'imagine quelle touffe cela fera dans trois ou quatre ans, si la maladie veut bien l'épargner.

Crowned Heads (Keppel 1997)

Peut-on faire mieux en matière d'amoena inversé ? Beaucoup y travaillent aux Etats-Unis et en France    (où Michelle Bersillon obtient d'intéressants résultats). Mais la route est longue et la pente est raide…

Danse for Us (Blyth 2000)

Le nom a lui seul décrit la fleur,  un rose de grâce en ballerines

Épanouie (L. Ransom 2007)

Cette création de notre spécialiste français des arils et arilbreds, Lawrence Ransom, ressemble beaucoup à sa mère Edith Bubbles, ce qui n'enlève rien à son charme, au contraire. Une belle réussite.

Evening Mist (Dunn 1982)

Un iris déjà "historique" puisque trentenaire, avec cette forme frou-froutante assez carctéristique des goûts du moment.
Une bonne tenue et une vigueur moyenne
Encore quelques photos dont certaines ont été déjà vues sur mon compte flickr :
H.C. Stetson (R. Stetson 2003)

La Scala (Keppel 2008)
Lily my Love (Blyth 2000)

Mon cœur se serre en pensant que ce magnifique iris est en train de lutter pour ne pas mourir, dans le pot où je l'ai installé pour tenter d'arrêter la pourriture qui le dévorait. Survivra-t-il ? Je l'espère


Maid Orange (Aitken 1989)

Mastery (Blyth 2001)

Je pense à un variegata de la vieille époque, un fidèle parmi les fidèles (Accent). Quel chemin parcouru depuis ! Souhaitons lui autant de vigueur et de résistance

Poet's Rhyme (Keppel 2006)

Un autre superbe amoena inversé photographié "hors sol". C'est une "photo souvenir", car il est mort.


Spring Wings (Sutton 2010)

Une fleur énorme qui a eu quelque difficulté à pousser. Une forme vraiment superbe. La vigueur semble, ici, très moyenne. Attendons l'an prochain ou plus…

Sunset street (Krupka 2004)

Une fleur très lumineuse de l'hybrydeur tchèque Zdenek Krupka



Tuscan Villa (Blyth 2002)

Un autre jaune, ravissant et lumineux

Walking on Air (Black 2001)

Cet iris somptueux ne peut renier sa mère (Honky Tonk Blues) dont il a hérité les incomparables qualités.

Westpointer (Sutton's 2001)

Une petite merveille. La photo parle d'elle-même.

Williamette Mist (Schreiner 2001)


Et pour terminer cette galerie (par ordre alphabétique) un iris que je n'aime pas de quelqu'un pour qui j'ai la plus grande admiration :

Zobor (Mego 2004)

Quand j'ai vu fleurir cet iris, je me suis demandé pourquoi je l'avais acheté, tant il représente pour moi un contre exemple esthétique : coloris plutôt "fadasse" hystérisé par une barbe criarde. C'est personnel, je le sais. Mon épouse me trouve sévère, mais c'est ainsi. Autant j'admire la plupart des créations du génial Slovaque : 'Blue Danube Waves', 'Ujlak', 'Zlatovlaska', 'Bratislavan Prince' (mère très prolifique, mais morte en couches),' Slovak Prince', autant ce 'Zobor' me révulse. Mais comme j'ai le droit d'évoluer, je lui donne une année de plus et autant à moi pour changer, éventuellement, d'avis.

A l'année prochaine… pour la suite des photos…


La semaine prochaine, un complément d'enquête sur la pourriture bactérienne et un retour sur l'hybridation. 




vendredi 8 juin 2012

Annus Horribilis

Une saison calamiteuse pour beaucoup avec un développement sans précédent de la pourriture bactérienne


Quand les éléments s'en mèlent !

La lecture du forum Iris et Bulbeuse est un peu déprimante cette année. Beaucoup d'amateurs se plaignent d'une saison marquée par les dégâts dus au gel, à la pluie, à la grèle. Retard de floraison, feuilles tachées, tiges coupées ou rabattues par le vent, et par dessus tout, pourriture bactérienne en pleine expansion. Nos amis du Gers et du Tarn et Garonne ont été épargnés. Tant mieux.
Les professionnels ne semblent pas non plus avoir été laissés à l'écart de ces tourments, ce qui justifie le titre de ce jour.
Dans mon jardin, les ennuis ont commencé assez tôt, conséquence des deux périodes de gel en mars et à la mi avril : les iris en pot ont pour la plupart péri. Beaucoup d'iris qui avaient commencé à "démarrer" leur végétation, ont été, si l'on peut dire "cueillis  à froid" et une première pourriture s'est installée qu'il a fallu éradiquer. Dès avril, la pourriture bactérienne a commencé à se manifester dans quelques endroits, puis s'est étendue, et avec le temps, lui aussi pourri, de ces derniers jours, a connu un regain de vigueur.
Aussi faut il travailler sans relâche dans le jardin (éliminer, soigner, déplacer), ce qui explique le retard pris par cette chronique.

La météo de cet hiver et de ce printemps est le plus souvent invoquée pour expliquer tous les désagréments enregistrés. Et elle y est sans aucun doute pour quelque chose.

Mais la météo ne saurait tout expliquer à elle seule !

Un constat fait par plusieurs amateurs pose en effet question : alors que certaines plate-bandes étaient infectées, d'autres restaient indemnes de toute attaque de pourriture.
Même remarque chez moi. J'essaie de comprendre.
J'ai dans mon jardin, deux sortes d'emplacements pour mes iris :
               -un emplacement que je réserve aux nouveautés acquises depuis 2010 et qui fait l'objet de tous les soins, ne serait-ce que parce qu'on attend toujours avec impatience la floraison des petits nouveaux que l'on a admirés sur catalogue, mais aussi, le plus souvent en raison de leur prix, élévé pour les plus récents
               -des emplacements moins surveillés où se trouvent des variétés plus anciennes. Ainsi, une plate bande à l'extérieur, en bordure de haie (avec des variétés très classiques, de celles qu'on peut me faucher [si, si , ça arrive !] sans qu'il y ait drame.

Or, les pourritures se produisent à 95 % presque essentiellement dans l'emplacement le plus soigné. Comment l'expliquer ?

Plusieurs explications me viennent à l'esprit :

1-La possibilité que la bactérie ait voyagé avec les iris. Le responsable serait-il le "fournisseur" (marchand ou ami) ?
2-Les plate-bandes préparées pour recevoir les nouveautés auraient fait l'objet d'un excès de "soin" : trop d'engrais trop frais, pas assez absorbé par le sol.
3-Un déséquilibre du sol, trop acide

•La première possibilité se heurte apparemment à une constatation : en 2011, il y a eu peu de pourriture et c'est seulement en 2012 que les iris plantés cette année-là ont développé la pourriture bactérienne. Peut-être le manque d'eau caractéristique de l'an dernier (20 mm d'eau de février à Juillet) a-t-il empêché le réveil et le développement de ces bactéries restées "dormantes".
La possibilité de persistance des bactéries dans un envoi est une réalité, de même que l'existence de foyers de pouriture bactérienne chez les fournisseurs. Ceci dit, les profesionnels connaissent les précautions à prendre, et en général, aux Etats-Unis, En Europe comme en France ils laissent sécher les rhizomes au soleil, après les avoir si besoin est, trempés dans un bain javellisé.
Notre ami Lawrence Ransom m'explique son mode opératoire :

"Depuis une dizaine d’années, à la préparation d’une commande, après lavage des rhizomes pour ôter la terre, je les passe, comme chez Suttons, 15 minutes dans un bain de trempage d’environ 10% d’eau de javel. Cela me rassure. Fini les bains de produits fongiques qui ne servent à rien, comme vous le savez, contre les bactéries. Puis quelques heures en plein soleil sur des claies de grillage."


•La deuxième possibilité renvoie aux conditions d'apparition de la maladie et de développement de la bactérie.
Ce que l'on sait d'Erwinia caratovora on le doit surtout aux travaux effectués à propos des cultures alimentaires touchées par cette peste (carotte, betterave, pomme de terre, etc…)

Voici ce que disent des scientifiques ayant étudié le problème sur les tubercules de pomme de terre :

 Aussitôt que les conditions sont favorables, les bactéries se multiplient de façon explosive. Ils produisent maintenant assez d’enzymes (pectinase) pour dissoudre les parois cellulaires des tubercules et des pousses, et la maladie se déclare. C'est souvent le cas lors de conditions humides et d’anaérobies. Un manque d'oxygène abaisse la capacité défensive du végétal. Les conditions sont propices lors d’une battance superficielle des sols (p. ex. après de violents orages), avec la présence d’eaux de retenue et lors de compactage. 
Dans le sol, plus les conditions sont humides, plus les bactéries sont mobiles. L'humidité et un manque d’oxygène ont aussi pour conséquence que la couche subéreuse des lenticelles gonfle sur le tubercule et devient perméable. De cette façon, les bactéries peuvent pénétrer plus profondément dans la peau des tubercules. 

En tout état de cause, un sol trop riche en azote, mal drainé, et trop finement émietté (les bactéries se développent mal sur des parois lisses) serait une condition favorable au développement de la bactérie. Ceci expliquerait peut-être que les dégâts se rencontrent plus fréquemment dans les sols trop amendés. J'ai émis précedemment l'hypothèse que la concurrence d'adventice pouvait limiter les dégats, celles-ci consommant prioritairement l'azote du sol, mais cela reste à vérifier…

•la troisième possibilité est plus hasardeuse, car ce que redoutent les bactéries, c'est un sol très acide  : les conditions idéales de prolifération se situeraient autour d'un PH neutre (5,5 / 7,5). Mais il est possible qu'un déséquilibre du sol favorise sa prolifération.

Comment lutter efficacement ?

Sans vouloir désespérer qui que ce soit, il n'existe actuellement aucune méthode chimique, reconnue et autorisée capable de guérir les exploitations attaquées par la bactérie. Les méthodes résultent principalement de la prévention et de la rotation des cultures

1- Considérer tout rhizome arrivant dans le jardin comme potentiellement porteur de la bactérie.

Donc, plonger les rhizomes dans un bain d'eau javelisée à 10% pendant 20 minutes, puis laisser ressuyer au soleil pendant un jour ou deux.
Planter les nouveaux venus de façon espacée (environ 30 à 40 cm et avec un écartement d'un mètre entre les rangs) sur un sol propre n'ayant pas porté d'iris depuis environ 5 ans.
J'adopte, pour ma part, le principe de la "quarantaine" : tout  iris nouveau est planté dans un carré particulier pour observation pendant deux ans.

2- Eviter autant que faire se peut la monoculture et  faire "tourner" les cultures

En effet, la monoculture favorise la prolifération des agents pathogènes. Une rotation des cultures tous les 4 ans après division est une bonne solution.

3-Eviter l'excès d'engrais

Principalement les engrais chimiques et plus particulièrement l'engrais azoté qui favoriserait la prolifération d'Erwinia.

4-Eliminer systématiquement les feuilles abimées et éviter de blesser les rhizomes


Par les blessures du rhizomes, les vers taupins ou les larves de toute sorte peuvent pénétrer et constituer des voies d'accès pour la bactérie


5-Appliquer des traitements préventifs ?


- à l'automne on préconise la pulvérisation de produits à base d'Hydroxyde de Cuivre (1,6 kg/ha), contre les bactérioses. Je n'ai pas essayé.
-les jardiniers bios préconisent l'utilisation de tisane d'ortie et de décoction de prèle. Mais peu d'entre eux peuvent confirmer une réelle action positive de ces pratiques.
Les expérimentations réalisées dans le cadre de VETAB n'ont pas permis de confirmer une action protectrice significative de ces diverses alternatives dans des conditions de forte pression de maladie. Par ailleurs, des tests de lessivage ont montré que ces produits étaient tous très sensibles au lessivage par les pluies. 


6-Qu'en est-il des traitements curatifs ?


L'utilisation d'antibiotiques.
La streptomycine a été utilisée pour combattre une autre bactérie du genre erwinia : E. amylovora responsable du feu bactérien, avec un taux de réussite de 90%. Mais son usage, autorisé sous certaines conditions en Suisse, est interdit dans l'U.E.
Aux Etats-Unis, des préconisations indiquaient l'utilisation d'une pommade antibiotique à base de comprimés de tetracycline écrasés dans de la glycérine et appliquée sur les parties curées. (En fait toute pommade antibiotique capable de traiter les bactéries aérobies a le même résultat (auréomycine, tetracycline, streptomycine, etc). En France on proscrit l'usage d'antibiotiques dans l'agriculture. 
La désinfection des plants et des sols
Le sauvetage des plants infectés suppose qu'ils soient arrachés, jetés si c'est irrécupérable (et brulés) ou curés, traités avec une solution javellisée ou du permanganate puis exposés au soleil, avant d'être replantés sans un endroit sain. Le sol infecté sera arrosé d'une solution javellisée et ne sera pas réutilisé avant deux ou trois ans.
Ne pas oublier que la bactérie est résistante. Les bactéries sont apparues bien avant l'homme et elles ont utilisé toutes les "ruses" que la nature autorise pour se perpétuer. Je pense que lorsqu'on a soigné un iris, il ne faut pas relâcher la vigilance. Mon expérience de cet hiver m'a rendu méfiant. J'avais eu quelques atteintes de pourriture sur des plants reçus de l'étranger. J'ai soigné les malades, installés dans des pots et j'ai même utilisé, pour les plus coûteux d'entre-eux (mais hors sol) une pommade antibiotique (auréomycine) sur les plaies. Les iris semblaient guéris, avaient même recommencé à pousser. Le gel leur a été fatal et de façon curieuse. On peut comprendre que les plantes en pot soient plus sensibles au gel et puissent en mourir. Mais cela s'est accompagné d'une reprise de la pourriture bactérienne décelable à l'odeur…


Trouver des solutions d'avenir ?


Bien sûr, la solution la plus satisfaisante, serait de trouver des variétés résistantes à la bactérie. Cela a été tenté pour les cultures légumières et arbustives, mais cela reste à faire pour notre plante préférée. D'autant que s'il est assez simple d'améliorer une variété de poirier pour la rendre résistante au feu bactérien (je pense aux Passe Crassanes), il en va tout autrement pour les centaines de cultivars d'iris introduits chaque année.
On a tenté le séquençage du génome de souches d'Erwinia amylovora. Je n'ai pas trouvé trace d'études semblables pour E. Carotovora.
Il faudra sans doute un jour se pencher sérieusement sur cette question.




On terminera ainsi cette triste revue. La prochaine publication (très proche) portera, de façon plus réconfortante et illustrée sur les floraisons 2012.